L'Olivié - Moires et mémoires


Article de Jean-Damien ROUMIEU - juin-juillet 97.

Face à la surenchère de non-sens qui, suivant les lourdeurs parfois criantes de notre siècle, tend à envahir notre univers plastique, il est bon de rencontrer des artistes qui parviennent à nous faire aimer le monde. Martine Redonnée est de ceux-là, témoignant par son oeuvre nécessaire à rejaillir vivant de la vague pas trop salée de la morosité. Cette énergie, c'est dans l'optimiste débordant et dans la légéreté de sa sensibilité qu'elle la puise.

Et ce , d'autant qu'elle met en valeur, avec une grande délicatesse, des oeuvres du passé, suscitant ainsi la résurgence de nos racines les plus secrètes et fondées. Ces oeuvres électiques sont assemblées de manière judicieuse et pertinente, jusqu'à constituer une peinture organique, et à elle-même suffisante. Celle-ci vous invite à un voyage plein de surprise qui vous emènera des fresques de Lascaux au monde plus contemporain, en passant par les fascinants portraits du Fayoum, par les figures médiévales ou celle de la renaissance.

Aucune rigidité didactique dans ces toiles, mais, bien au contraire, une traversée des siècles qui semble épouser la fluidité du rêve, dans des évocations subtiles et des mouvements de couleurs à la fois tendres et riches. Une aventure onirique dans les soutènements de l'âme humaine. Le passé renouvelé et comme purgé de son épaisseur et de son opacité. Le passé enfin accordé à ce qu'un Baudelaire aurait nommé l'idéal. Et nous entendrions Faulkner nous dire : "Le passé n'est pas mort, il n'est même pas passé". Martine Redonnée recouvre en effet notre réalité du voile de cette mémoire culturelle à laquelle elle donne une actualité et une transparence quasi-magiques.

Composant ces évocations avec une grande cohérence plastique, dans des chatoiements de moires précieuses, elle parvient à nous faire partager l'ardeur de son regard pour ces figures qui, à leur heure, ont habité le monde et ont su retenir l'attention des peintres.

De même que cette artiste passionnée, au travers de son interrogation permanente sur le temps et ses ressources, a fait rencontrer, dans le silence habité de ses oeuvres, des êtres de toutes les époques, souhaitons de même que se rencontre, au Cloître des Arts où elle expose, un nombreux public en quête de saine nouveauté et de sereine beauté.